La généralisation de la complémentaire santé est souvent considérée et présentée comme une opportunité pour les salariés. Pourtant, dans certains cas, ces derniers ont plus à y perdre qu'à y gagner. BI&T vous propose de revenir sur quelques uns de ces cas. Aujourd'hui, place à la mutuelle de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
Une mutuelle sujette à polémiques mais des prestations globalement appréciées
A l'AFPA, la mise en place de la complémentaire santé n'a pas été un long fleuve tranquille. A la fin de la décennie 2000, la direction et deux syndicats : la CFDT et la CGT, décident de créer un régime "frais de santé" collectif et obligatoire, afin de bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux. FO et Sud s'opposent à cette démarche, au nom de la défense de la Sécurité sociale et de la liberté individuelle. Fin 2007, un premier référendum interne à l'établissement donnait raison au promoteur du projet mais, début 2008, les opposants attaquaient ce résultat en justice et obtenaient gain de cause - la majorité n'était atteinte que sur les votants et non sur l'ensemble du personnel. Un second référendum se traduisait cette fois par une victoire des défenseurs de la mutuelle AFPA.
Pour eux, ce succès ne signifiait toutefois pas la fin des ennuis. Un temps aux mains de Pro-BTP, la mutuelle est ensuite transférée à MV4, devenue Novalis, puis Humanis. Novalis/Humanis s'avère être un partenaire méfiant et turbulent. Etant donné les graves difficultés économiques de l'AFPA, l'assureur ne s'engage que difficilement dans une relation de confiance avec les gestionnaires du régime. Alors que les dépenses augmentent plus vite que prévu, les cotisations suivent à un rythme élevé. Un peu trop élevé en réalité, si bien que le régime en vient à constituer de belles réserves - ce que critiquent FO, Sud et peu à peu, la CGT. Actuellement, la cotisation d'un salarié isolé est de 52,14 euros, dont 31,28 euros de part salariale. "C'est cher pour le service rendu", tranche FO.
Pourtant, la mutuelle maison n'est pas sans intérêt pour les salariés. "Notre régime est plus généreux que le panier ANI ou les contrats responsables", reconnaît FO. De plus, des "prestations extracontractuelles" étaient jusqu'à maintenant accordées chaque année par le conseil d'administration Humanis, concernant notamment la médecine douce, le soutien psychologique et psychomoteur pour adultes et enfants et certaines analyses et radios non remboursées par la sécurité sociale. Ces prestations sont appréciées par les salariés, si bien que toutes les organisations syndicales, y compris celles qui sont réfractaires à la mutuelle de groupe, les défendent. Et il faut reconnaître que c'est plus que jamais nécessaire !
Des avantages en cours d'extinction
En réalité, c'est dès la fin de l'année 2014 que les prestations extracontractuelles ont été remises en question par Humanis. La CFDT s'est félicitée de l'intervention de son représentant au CA d'Humanis, qui a permis de prolonger d'un an le dispositif. "Mais ce n'était qu'à titre exceptionnel" déplore FO, qui poursuit : "On savait très bien qu'à la fin de l'année 2015, le problème allait de nouveau se reposer". Et ça n'a pas manqué. Les prestations extracontractuelles ont été supprimées à compter du 1er janvier 2016. Joyeux Noël, Félix ! Bien évidemment, Force Ouvrière, Sud et la CGT ont vivement dénoncé la fin des avantages dont bénéficiaient les salariés de l'AFPA et ont demandé à ce qu'ils soient maintenus. Mais les récentes évolutions juridiques vont contre eux.
Afin de maintenir à l'identique les prestations extracontractuelles, il faudrait les inclure dans le régime frais de santé des salariés, c'est-à-dire le modifier. Or, la CFDT souligne qu'une telle évolution supposerait une mise en conformité avec le décret dit des "contrats responsables" - sauf à perdre le bénéfice des avantages fiscaux et sociaux. Plusieurs prestations - en particulier dans le domaine de l'hospitalisation chirurgicale et dans l'optique - devraient alors être revues à la baisse. Le jeu en vaut-il la chandelle ? La CFDT estime que non, dans la mesure où le régime, non responsable, a jusqu'à fin 2017 afin de se mettre en conformité avec la loi. Dans l'immédiat, adieu donc les prestations extracontractuelles ! Et à moyen terme, adieu les prestations généreuses !
Gênée aux entournures et désormais esseulée, la CFDT se contente de revendiquer une augmentation de la participation de l'employeur au financement de la mutuelle, afin de compenser la diminution de la générosité du régime. Du côté de FO, de Sud et de la CGT, on estime que ceci est largement insuffisant. "Dans les faits, Humanis nous fait un chantage au contrat responsable : soit on accepte une hausse des cotisations et/ou une baisse des prestations, soit il y a un risque de mettre fin au contrat. Les salariés sont perdants dans cette affaire !" tonne le représentant Force Ouvrière, qui estime donc qu'il faut réaliser un nouvel appel d'offres, afin de se séparer du prestataire actuel. "Nous avons au moins une année devant nous pour ce faire, cela laisse largement le temps de renégocier. Au tarif que l'on paye, on ne devrait pas avoir de difficulté à trouver mieux ailleurs" conclut-il.