Aujourd'hui 14 juin a lieu une assemblée générale particulièrement drolatique dans la groupusculaire institution de prévoyance appelée B2V Prévoyance, et gentiment surnommée B2V Prevoyanz en raison de son extrême dépendance à l'assureur allemand. L'événement mérite d'être brocardé avec toute l'amitié que nous portons à nos amis germanophones, amitié d'autant plus grande que la direction globale d'Allianz a eu le bon goût de ne pas demander à Jacques Richier et consors de porter un uniforme vert-de-gris pour venir travailler ou de se convertir à la gastronomie de la Wurst. En remerciement pour ces bonnes grâces, nous nous sommes donc sentis obligés d'évoquer quelques coulisses de l'affaire à la sauce vinaigrée.
Une institution de prévoyance très germanique
Fidèle à une tradition allemande toute en finesse et en subtilité, Allianz, en sponsorisant la création d'une institution de prévoyance destinée à "attaquer les branches", alors même que l'assureur déposait une question prioritaire de constitutionnalité contre les désignations, a mis les petits plats dans les grands. Sur le banc patronal de l'assemblée générale, composé de 30 membres, on ne compte pas moins de 28 salariés d'Allianz. Sur le banc salarial, on en compte une vingtaine. Voilà qui laisse peu de place à la contradiction et évite les risques de débordement par la gauche ou la droite.
Le plus curieux tient à la position du MEDEF dans cette histoire qui est, rappelons-le, l'autorité mandante. Pourquoi la confédération patronale s'est-elle prêtée à ce jeu? Les mauvaises langues diront qu'après avoir beaucoup tardé à nommer ses mandataires, le MEDEF a failli être pris de court par une liste signée du président de la CGPME, François Asselin. Cette liste, repoussée in extremis par le MEDEF, comportait notamment un certain Thierry Gingembre, petit-fils du fondateur de la CGPME et représentant des centres de recouvrement, qui ont recommandé B2V.
Cette guerre patronale déclenchée par B2V aurait fini de convaincre la FFSA de ne pas soutenir la directrice générale de B2V, Isabelle Pécou, dont l'absence de sens politique avait justifié, à l'époque, son recrutement par Gérard Méneroud et Jacques Campora. Avec elle, ils étaient au moins sûr de ne pas être embarrassée par une "carrure".
Allianz peine à externaliser B2V Prevoyance
Malgré cette supériorité numérique, l'opération d'externalisation de B2V vers Apicil n'a pas coulé de source. Le 14 avril, un conseil d'administration s'était penché sur la question dans une sorte de panique générale. Trois jours avant ce conseil, le président de l'institution, Jean-Jacques Cette, par ailleurs délégué central du personnel d'Allianz, avait adressé un ordre du jour à Isabelle Pécou avec un point inattendu: l'adossement de B2V à Apicil. L'initiative fut, paraît-il, vécu par la directrice générale avec autant de bonheur que le défilé de la Wehrmacht sur les Champs-Elysées en juin 40 par les Parisiens.
Pourtant, le 14 avril, tout ne sembla pas perdu. Un premier vote du conseil d'administration (composé de 10 représentants) a débouché sur un partage des voix: 4 pour, 4 contre et deux abstentions. Il semblerait que l'un des abstentionnaires ait immédiatement fait acte de contrition. Il s'agirait de Patrice Plamberck, retraité d'Allianz, qui a brutalement mesuré l'embarras dans lequel il mettait son ancien employeur.
"Quand cela ne tienne, il n'y a qu'à revoter", aurait alors dit Jean-Jacques Cette, président de l'institution. Ce qui fut dit fut fait, grâce à quoi le conseil d'administration ordonnait à une courte majorité la préparation de l'adossement pour l'assemblée générale de juin.
Un audit à charge
L'une des raisons majeures de cette décision s'appuyait sur un audit extrêmement négatif d'Actuaris, mettant en cause la gestion de B2V. Les proches du dossier en sont peu surpris: historiquement, B2V est une affaire mal gérée dont la FFSA aurait dû se débarrasser depuis longtemps. Politiquement toutefois, il y a eu jusqu'ici un consensus pour maintenir l'animal en vie. Le recours prochain au respirateur artificiel constitue la conclusion logique de cette longue lutte contre la maladie.
On notera toutefois que l'une des raisons pour lesquelles B2V a survécu aussi longtemps tient au fait qu'il est le groupe le plus "capé" des fédérations AGIRC-ARRCO, avec une multitude de présidents dans ses effectifs d'administrateurs. Le plus connu d'entre eux s'appelle désormais Didier Weckner.
Reste que l'audit d'Actuaris a fait jaser puisqu'il a habilement passé sous silence les engagements d'Allianz en matière de distribution de produits, et que les liens familiaux entre Actuaris et Allianz sont un secret de polichinelle.
Quelques questions en suspens
Plusieurs questions se poseront dans la foulée de ces affaires. L'une tient à la nouvelle structure d'Apicil après l'arrivée de B2V Prévoyance, qui pèse quelques millions d'euros seulement. L'autre tient à la stratégie d'Allianz vis-à-vis d'Apicil.
Nous reviendrons dans notre édition de mercredi sur ces questions.