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Financement syndical: le Conseil d’Etat provoque un tsunami

Le 26/07/2016 à 15:42 par Rédaction Expert Network

La France est malade de son financement syndical. Pour compenser un taux d’adhésion très faible (et donc un manque de recettes apportées par les salariés), les syndicats français sont obligés de trouver des expédients ou des voies détournées. Le Conseil d’Etat vient de frapper un grand coup pour interdire l’une d’entre elles: la désignation. 

Le financement syndical et la complémentaire santé

Dans la galaxie des circuits occultes grâce auxquels le rachitique syndicalisme français se finance, la protection sociale complémentaire occupe historiquement une place privilégiée. Lorsque les partenaires sociaux, en 1947, ont en effet décidé que 1,5% de la rémunération des cadres devait être consacrée à la prévoyance, ils ont ouvert la boîte de Pandore. C’est à cette époque que prend naissance un grand mouvement qui va lier le financement du syndicalisme à la protection sociale complémentaire. 

La CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES CADRES DU 14 MARS 1947 ET DÉLIBÉRATIONS PRISES POUR SON APPLICATION est d’abord un exercice de résistance à la mise en place de la sécurité sociale. Signée par les syndicats de cadre quelques mois après la mise en place du régime général, elle vise à redonner une marge de liberté à une catégorie socio-professionnelle qui ne souhaite pas se dissoudre dans un système de protection sociale monopolistique. L’article 7 de la CCN de 1947 prévoit que 1,5% des salaires des cadres est versé, par les employeurs, « à une institution de prévoyance ou à un organisme d’assurance ». Ce système préfigure les désignations qui ont permis à quelques acteurs de capter des branches entières en prévoyance et en santé. 

Depuis 1947, les syndicats ont pris l’habitude d’obtenir des financements substantiels de la part des institutions de prévoyance désignées par des accords de branche comme assureurs de cette branche. 

Initialement, la généralisation de la complémentaire santé, prévue par la loi du 14 juin 2013, devait abonder ce système en permettant aux branches professionnelles d’imposer un seul assureur (qui aurait « touché le gros lot ») par branche. Mais le Conseil Constitutionnel s’y est opposé par sa décision du 13 juin 2013, au nom de la libre concurrence. 

Un violent conflit qui dure depuis plusieurs années

Le système de la désignation a commencé à devenir problématique lorsque certains acteurs du marché comme AG2R ont décidé d’en abuser pour accélérer artificiellement leur développement. À cette fin, AG2R a notamment multiplié les clauses de migration obligatoire dans les désignations. 

La désignation consiste à désigner un assureur unique en santé ou en prévoyance pour l’ensemble d’une branche en interdisant aux entreprises de celles-ci de chercher un contrat moins cher ou plus avantageux que celui négocié par la branche elle-même. 

La migration obligatoire oblige une entreprise de la branche a dénoncé un contrat santé ou prévoyance, même si elle l’a négocié avant la conclusion de la désignation. Cette dénonciation est obligatoire même si le contrat de l’entreprise est plus avantageux que le contrat de branche. 

Depuis de nombreuses années, une série de contentieux a déchiré le paysage de la protection sociale complémentaire pour savoir si ce système était conforme au droit de la concurrence et au droit communautaire. 

 

Les boulangers et la désignation

La boulangerie fait partie des branches où le recours obligatoire à un assureur unique (en l’espèce AG2R) a suscité les conflits les plus violents. Ceux-ci mêlent haines électorales au sein de la Confédération Nationale de la Boulangerie et conflits d’intérêt. 

L’interview de Jean-Pierre Vallon, à Voiron, le rappelle: 

 

Dans la pratique, c’est en 2007 que la Fédération des Boulangers a décidé de désigner AG2R comme assureur unique et obligatoire de la branche, avec un contrat dont le prix était jugé exorbitant par tous les connaisseurs du marché. 

Comme l’indique Jean-Pierre Vallon, AG2R s’est livré à une véritable guerre juridique pour obliger les quelques centaines de boulangers (sur un total de plus de 25.000) qui avaient préféré un contrat plus avantageux à obéir à la désignation. 

Les désignations et la question des conflits d’intérêt

Les jeux troubles qui ont entouré cette affaire sont au demeurant bien connus, au moins pour leur aspect le plus superficiel. Dans le cas de la boulangerie, l’accord qui a désigné AG2R comme assureur unique de la branche en santé (soit un marché annuel d’environ 300 millions d’euros) date de 2007. Il avait été négocié par Jean-Pierre Crouzet, président de la Confédération Nationale des Boulangers. 

Pour comprendre le lien entre le financement syndical et les désignations, relisez mon article sur le sujet. 

Le même Jean-Pierre Crouzet était alors administrateur d’Isica Prévoyance, l’institution de prévoyance membre du groupe AG2R qui gérait et gère le contrat des boulangers. Deux ans plus tard, en 2009, Crouzet est devenu président de l’Isica. Bref, le fournisseur et le client étaient les mêmes. 

Sans surprise, on trouve donc sur le site de la Confédération un très bel encart publicitaire en faveur d’AG2R: 

 

Elle est pas belle la vie? 

 

Une lutte farouche contre les désignations

Face à l’accélération déraisonnable de ce système à la fin des années 2000, la résistance s’est organisée, et les contentieux ont commencé à fleurir dans un climat délétère. Longtemps tenus en échec par une jurisprudence communautaire en apparence défavorable, les adversaires de la désignation ont remporté quelques victoires majeures. 

Le 29 mars 2013, l’Autorité de la Concurrence pointait la violation du droit de la concurrence par ce système de désignations. Le 13 juin 2013, le Conseil Constitutionnel affirmait que la liberté de l’entreprise était bafouée dès lors que le chef d’entreprise devait souscrire obligatoirement à un contrat qu’il n’avait pas négocié. Une décision préjudicielle de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 17 décembre 2015 déclarait également qu’une désignation était contraire au droit communautaire si elle n’était pas précédée d’une publicité adéquate. 

 

La décision du Conseil d’Etat

L’arrêt du Conseil d’Etat du 8 juillet 2016 a franchi un cap supplémentaire dans ce conflit juridique, en posant de façon claire une phrase qui clôt un important débat: 

il ressort des pièces du dossier que le montant annuel des cotisations des employeurs et des salariés à ce régime est de l’ordre de 70 millions d’euros, soit 350 millions d’euros sur la durée de l’avenant ; qu’eu égard à l’importance du montant des cotisations et des prestations en jeu, à la taille nationale du marché considéré et à l’avantage que représente la désignation pour proposer d’autres services d’assurance, l’octroi du droit de gérer ce régime présente, en dépit de la nécessité pour les entreprises intéressées de s’adapter aux contraintes réglementaires existantes, un intérêt transfrontalier certain ; que, d’ailleurs, dans son arrêt C-437/09 du 3 mars 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que si AG2R Prévoyance devait être regardée comme une entreprise exerçant une activité économique en tant qu’elle gère le régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé du secteur de la boulangerie artisanale française, ce qui est vérifié en l’espèce, elle détiendrait un monopole sur une partie substantielle du marché intérieur 

La dernière phrase de la citation est importante. Elle souligne bien toute la dimension que prend désormais le dossier. Dans son arrêt, le Conseil d’Etat reconnaît qu’AG2R exerce une activité économique concurrentielle, et qu’à ce titre, la position monopolistique doit être combattue. 

Voilà qui sent le roussi pour le financement syndical. 

 

Le financement syndical après les désignations

Tout l’enjeu est aujourd’hui de savoir quelle sera la riposte syndicale sur ce sujet. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 comportera probablement une ou deux dispositions qui devraient chercher à sauver les meubles. 

Il n’en demeure pas moins que, en l’état du droit, une époque bénie pour le financement syndical risque bien de disparaître. 

 

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